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DERRIÈRE LE DÉCOR DE VERSAILLES

Versailles est construit et imaginé comme un théâtre où le roi peut se donner en représentation. Le roi imagine les courtisans tournant autour de sa personne. Au départ, on n’habite pas à Versailles, ce n’est qu’un lieu où on organise des fêtes. La Cour s’y rend régulièrement, se balade en bateau sur les canaux… C’est en 1682 que le roi décide d’y faire sa résidence.

Louis XIV a fait du pavillon de chasse de Louis XII un somptueux palais royal que rien ne peut égaler et l’emblème de la monarchie française. Versailles, c’est une sorte de grand théâtre de la vie du roi. On assiste à son lever, à sa toilette, à son repas, à sa promenade,… Toute sa vie est réglée à la minute près ; tout le monde – où qu’il soit – sait ce que le roi est en train de faire juste en consultant sa montre. Les courtisans – logés sur place – font tout et n’importe quoi pour les faveurs du roi (un titre, une charge, une pension, un domaine, un mariage intéressant,…). C’est le Roi-Soleil qui a mis en place cela, afin d’avoir sous son contrôle toute la noblesse en qui il n’a pas confiance.

Louis XVI est le dernier roi à y avoir habité. De théâtre, le domaine devient un musée.


Tout le monde, même ceux qui n’y sont jamais allé, connaît la magnificence de Versailles. Mais si cela cachait tout autre chose ? Laissez-moi vous présenter l’envers du décor, celui qui n’est jamais montré ni raconté.


Quand on pense à « Versailles », on ne pense jamais à tous ceux qui sont morts en construisant ce « théâtre ». Sans eux, Versailles ne serait pas ce qu’il est.




Au commencement

Avant d’aller plus loin, je vous propose de regarder la vidéo suivante – très bien faite – afin de voir l’évolution du château de Versailles :

Louis XII achète un terrain à Versailles et fait construire sur une colline un modeste pavillon de chasse de trois cent mètres de façade, pourvu de quatre pièces, une galerie et quelques dépendances dans lequel il aime venir se détendre. Les femmes n’y sont pas admises. Plus tard, souhaitant se tenir à l’écart de la ville car il y gardait un très mauvais souvenir (quand il était enfant, durant la fronde, il avait dû s’enfuir) et voulant un château à sa gloire capable d’accueillir toute la cour (famille royale, courtisans, dames de chambre, valets,…) afin de laisser son empreinte dans l’Histoire (mais aussi de surpasser le château Vaux-le-Vicomte de Nicolas Fouquet), Louis XIV se met en tête d’agrandir et de magnifier le château de Versailles. Les travaux – qui englobent le relais de chasse – dureront environ 50 ans…. faisant des milliers de morts.


Le château est construit sur un marécage malodorant où les moustiques, porteurs de maladies, sévissent. Il va falloir l’assécher et raser le village ainsi que les bourgs avoisinants afin d’acquérir plus de terrains. Mais pas seulement : on déplace les cimetières et on détruit la petite chapelle de Saint-Antoine-du-Buisson. Il n’est pas du tout rare de voir les ouvriers contracter le paludisme… enfin, je dis « ouvrier » mais Louis XIV n’y a pas échappé non plus. Toutes les nuits, des charrettes viennent ramasser les corps. Comme il n’y a aucune endroit où les loger, les ouvriers, venus d’un peu partout, dorment dans des campements près du chantier. Ils ne sont rémunérés que de 20 livres par mois, cependant ils obtiennent des dédommagements en cas de blessure : 40 livres pour un bras ou une jambe cassée, 60 pour un œil crevé, 100 en cas de mort… Ils travaillent dur, 18 heures par jour, et ça malgré le temps. À chaque nouveaux travaux, à chaque agrandissement et embellissement de Versailles, les morts et les blessés se ramassent à la pelle. Le roi ne s’en émeut guère et les quelques hardis qui osent l’interpeller à ce sujet se font sévèrement sanctionner (une vieille dame pleurant son fils se fait fouetter, on coupe la langue d’un vieil homme et l’envoi aux galères,…).


La galerie des glaces, somptueuse… et toxique

La galerie des glaces, construite à la place d’une terrasse et inaugurée en 1684, est constituée de 357 miroirs. Est-ce nécessaire de préciser qu’à l’époque, ils coûtent très chers ? Colbert arrive, contre une forte somme d’argent et promesse de privilèges, à faire venir en France des artisans vénisiens (spécialistes à l’époque des miroirs). Quelle splendeur ! Quel éclat ! C’est magnifique ! ou pas…

La vérité est que les miroirs ont causé la mort de beaucoup de vitriers. Pour qu’ils soient aussi parfaits, on utilise la technique de l’étamage (interdit en 1850), c’est-à-dire qu’ils sont enduits d’un alliage contenant du « vif-argent », aujourd’hui appelé mercure... et évidemment, cela intoxique les travailleurs. À vingt-cinq ans, un vitrier n’a plus une seule dent ni un seul cheveu, à trente il meurt, les poumons empoisonnés.

Bien que l’étamage fût interdit en 1850, les miroirs de Versailles restèrent tels quels… En 2003, 30% d’entre eux sont détériorés et comme seuls les miroirs au mercure sont aussi éclatants et procurent une image toute en profondeur, on refuse de les remplacer par des miroirs modernes qui donnent une image plate… Ils sont alors remis en état avec la technique d’antant… (même si le taux de toxicité ne dépasse pas le seuil de sécurité, il est peut-être préférable de ne pas trop s’attarder devant les miroirs…)


Si vous allez un jour visiter la galerie des glaces, peut-être verrez-vous refléter dans les miroirs l’âme des vitriers…



Versailles, un théâtre pas toujours agréable…

À Versailles, ça ne sent pas très bon. Il fait sale ; les courtisans urinent dans les escaliers, dans les vases, derrière les tentures,… mais également contre les murs. Le château est si malodorant que tous les habitants sont obligés de déménager une fois par an à Fontainebleau le temps de tout nettoyer. Ensuite, on brûlait du bois de genièvre afin de parfumer le lieu.



 

" Je ne puis m’habituer à la saleté de la Cour de France, notamment à ce que chacun, dans les galeries, aux portes de nos chambres, dans tous les coins, se mette à pisser et qu’on ne puisse sortir de sa chambre sans voir l’un ou l’autre en train de pisser. "

La Palatine, duchesse d’Orléans, à sa tante Sophie le 23 juillet 1702.

 

(Pour la petite anecdote, Paris n’est pas mieux… On jette encore les immondices et excréments par les fenêtres comme du temps du Moyen-Âge (car il n’y a encore ni latrines, ni fosses dans les maisons) et les déchets sont jetés dans la Seine bien que Louis XIV a mis en place un service de nettoyage. Le roi fait éclairer et paver les rues principales, les autres restent boueuses. Dans un édit de 1657, le roi interdit les mendiants et ordonne qu’on les enferme à « l’hôpital Général de Paris » où ils devaient travailler pour « sauver leur âme » (même femmes et enfants)… mais ça, c’est une autre histoire.)


L’été, comme le château a été construit sur des terrains marécageux, il y a de nombreuses fièvres.

(Pour la petite anecdote, Paris n’est pas mieux… On jette encore les immondices et excréments par les fenêtres comme du temps du Moyen-Âge (car il n’y a encore ni latrines, ni fosses dans les maisons) et les déchets sont jetés dans la Seine bien que Louis XIV a mis en place un service de nettoyage. Le roi fait éclairer et paver les rues principales, les autres restent boueuses. Dans un édit de 1657, le roi interdit les mendiants et ordonne qu’on les enferme à « l’hôpital Général de Paris » où ils devaient travailler pour « sauver leur âme » (même femmes et enfants)… mais ça, c’est une autre histoire.)


De plus, il y avait beaucoup de courants d’air. Durant l’hiver, il fait glacial et humide. Le froid s’immisce partout. Les hivers, à cette époque, sont rigoureux (jusqu’à plus de -20°C, ce qui cause de très nombreux morts). La Seine est recouverte de glace ! Les appartements, spacieux, sont durs à chauffer. Et ils étaient rares que la cheminée d’un salon soit allumée. D’autant plus que les cheminées, avant les poêles de faïence, sont mal conçues. Les vins et l’eau gelaient dans les carafes. Les courtisans se plaignaient du « froid excessif ». Les gens mais aussi les animaux mouraient de faim et de froid. Louis XIV impose à la Cour de manger que du pain d’avoine.


En janvier 1709, il fait – 25°C à Paris. On compte, à la capitale, 24 000 morts en seulement un mois. On se rend à Versailles en traîneau. En février 1764, Madame de Pompadour, favorite du roi Louis XV, logée au palais royal, prend froid. Elle tousse, elle crache du sang. Deux mois plus tard, elle meurt à l’âge de quarante-deux ans à Versailles, ce qui est un grand privilège puisque les courtisans ne peuvent pas mourir dans l’endroit où habitent le roi et sa cour (cela est réservé au roi et sa famille).

 

" L’hiver qui nous tourmente S’obstine à nous geler. Nous ne saurions parler Qu’avec une voix tremblante. La neige et les glaçons Nous donnent de mortels frissons. "

Lully, le chœurs des trembleurs

 

Empoisonnement

Versailles a fait couler beaucoup de sang. Combien d’ouvriers ne sont pas morts ou n’ont pas été blessé sur les chantiers ? Mais il n’y a pas qu’eux…


Henriette d’Angleterre et sa fille reine d’Espagne, la reine Marie Leczynska, Jeanne d’Albert (mère de Henri IV), le duc d’Alençon (frère de Henri III), Mademoiselle de Fontanges et son enfant,… seraient morts d’empoisonnement. Ah, ces chers poisons ! Ils sont très efficaces et ne laissent aucune trace, c’est pourquoi ils ont la faveur des nobles. Envie d’hériter tout de suite mais la mort tarde à venir ? Empoisonner un plat ou une boisson est un bon moyen de donner un coup de pouce, de faire venir la faucheuse… Quelqu’un qui nous agace de trop ? Ou une maîtresse dont on veut se débarrasser ? Hop, deux, trois goûtes dans son potage… On prend l’habitude d’entrechoquer les verres afin de « trinquer » mais également afin de mélanger le contenu et si le verre est empoisonné, les autres le seront également. Le roi, quant à lui, se munit d’un goûteur et préfère manger avec les doigts. C’est plus sûr qu’avec des couverts qui pourraient être recouverts de poison.


À Versailles, il est facile de trouver du poison : il en pousse un peu partout dans les jardins : muguets, belladone, ciguë, ifs, venin des crapauds,… Madame de Montespan est une adepte des filtres d’amour et de mort de « la Voisin » (Catherine Deshayes, prétendue sorcière) (cf. l’affaire des poisons).

 

" Si les murs de Versailles pourraient parler, ils hurleraient. Pas de pièce qui n’ait connu de drame, pas un rideau derrière lequel n’ait été ourdi quelque complot, pas un escalier où n’ait eu lieu un accident, funeste. C’est aussi cela l’histoire de Versailles. Lorsque les guides instruisent les visiteurs, ils préfèrent les faire rêver en leur racontant les dorures, les falbalas, les bals, […] en omettant de préciser – et c’est dommage – que le rideau a servi de refuge à un assassin, le chandelier d’arme et que l’eau de la carafe était empoisonnée. Versailles doit rester un palais de comte de fée et dans les contes de fées on ne meurt pas… "

Alain Baraton

 

Si vous voulez en savoir plus sur l’envers du décor de Versailles, je vous invite à lire le très bon livre suivant :

Alain Baraton, Vice et Versailles, crimes, trahisons et autres empoisonnements au palais du Roi-Soleil, éditions Grasset, 2011.

Quelques noms :

André Le Nôtre : concepteurs des jardins et jardinier sous Louis XIV .

Louis Le Vau : architecte, créateur du classicisme (style Louis XIV). Il a travaillé sur une partie du château de Versailles mais aussi sur le Louvre.

Jules Hardouin-Mansart : premier architecte et surintendant des bâtiments de Louis XIV.

Charles Le Brun : artiste peintre et décorateur. Il est le premier peintre de Louis XIV. Il a notamment décoré la galerie des glaces.

Traités signés à Versailles :

- L’édit de Versailles : édit de tolérance signé par Louis XVI le 7 novembre 1787. Il permet aux non catholiques (surtout protestants et juifs) de bénéficier, sans obligation de se convertir, de l’état civil (permission de contracter mariage civil,…)

- Traité de Versailles : traité de paix signé dans la Galerie des Glaces entre l’Allemagne et les Alliés le 28 juin 1919 suite à la Première Guerre mondiale. Il énonce les sanctions prises à l’encontre de l’Allemagne et de ses alliés et crée la Société des Nations.

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Références :

Cours d’Histoire Moderne de l’Université de Liège

Alain Baraton, Vice et Versailles, crimes, trahisons et autres empoisonnements au palais du Roi-Soleil, éditions Grasset, 2011.

Frantz Funck-Brentano, La cour du Roi-Soleil, Les cahiers rouges, Grasset, 1937.

Quelle aventure !

L’ombre d’un doute

Secrets d’histoire

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