
Au siècle des Lumières, à Gévaudan, une région isolée qui est coupée du monde les jours d’hiver, une bête sauvage apparaît et fait, durant trois ans, 130 victimes, surtout des femmes et des enfants.
Les villageois connaissaient les loups. Ils en avaient l’habitude. Ils envoyaient leurs jeunes enfants garder les troupeaux parce qu’ils savaient que les loups n’attaquaient pas les hommes. S’ils ont alors surnommé le mystérieux animal « bête », c’est parce qu’ils ne l’ont pas identifié comme étant un loup ; parce que cette bête ne ressemblait pas à un loup. Qu’était donc cet étrange animal ? Aujourd’hui encore, le mystère reste entier. Pourrait-il s’agir d’une hyène ?
L’histoire
Tout commence au printemps 1764. Une femme garde ses bœufs près de Langogne quand elle est soudainement attaquée par une mystérieuse bête sauvage. Ce sont des bœufs qui mettent en fuite l’animal. Peu de temps après, le 30 juin 1764, dans le village de Hubacs, près de Langogne. Jeanne Boulet, 14 ans, est retrouvée morte et mutilée dans la vallée de l'Allier. Elle est la première victime officiellement déclarée. Le 8 août, dans cette même vallée, une deuxième jeune fille de 14 ans est retrouvée à son tour sans vie. Les attaques suivantes, durant fin août et septembre, sont recensés autour de la forêt de Mercoire, après quoi la « bête sauvage » s’en va sévir dans la région de Saint-Chély-d’Apcher. On compte une jeune fille de 15 ans à Masméjean, deux garçons de Cheylard l’Evêque, une femme de 36 ans aux Estrets d’Arzenc-de-Randon, une fille de 12 ans non loin de Saint-Flour de Mercoire dont on a retrouvé la tête que huit jour plus tard, puis un garçon vacher près de La Fage-Montivernoux,… Tous les témoins font la même description du mystérieux animal : « une bête avec une très grosse tête, plus longue que le loup, la gueule large, le nez d’un cochon, des flancs rougeâtres, avec une bande noire tout au long du dos, une queue très touffue qu’elle agite quand elle attaque, des pattes larges munies de grandes griffes et don tle cri ressemble au hennissement du cheval. » Toute la population est effrayée. Chaque attaque est rapportée dans le journal et des battues sont organisées. Le roi Louis XV – dont c’est la fin du règne – va même jusqu’à envoyer dès le 15 septembre des dragons à la tête desquels est placé le capitaine Duhamel. Comme il est persuadé que la bête n’est rien d’autre qu’un loup, il décide de tuer tous les loups de la région. Malheureusement, les attaques continuent. Les battues n’ont que pour effet de pousser la bête pour loin. On raconte qu’après avoir tiré deux, trois fois dessus, elle se relève et prend la fuite. La psychose collective augmente. On dit de l’animal qu’il est invincible. Les habitants, croyant à la sorcellerie et à des superstitions remontant au Moyen-Âge – comme le loup-garou –, mettent bientôt cette affaire sur le compte de vengeance de Dieu ou d’un mauvais esprit.
Le 31 décembre 1764, l'évêque de Mende lance un mandement resté célèbre. Il appel à la prière et à la pénitence.
« la peine que Dieu inflige suppose toujours la faute qui l’a attirée : de ce principe, il vous est aisé de conclure que vos malheurs ne peuvent venir que de vos pêchés. » (…) et de citer Moïse : (…) « j’armerai contre eux les dents des bêtes farouches ; j’enverrai contre vous les bêtes sauvages qui vous dévoreront, vous et vos troupeaux » (…). Et Choiseul Beaupré d’en rajouter : (…) « c’est le Seigneur irrité qui l’a lâchée contre vous ; c’est le Seigneur qui dirige sa course rapide vers les lieux où elle doit exécuter les arrêts de mort que sa justice a prononcé » (…). Puis il conclut : (…) « Pères et mères, qui avez la douleur de voir vos enfants égorgés par ce monstre que Dieu a armé contre leur vie, n’avez-vous pas lieu de craindre d’avoir mérité par vos dérèglements que Dieu les frappe d’un fléau si terrible ? » (…).Il termine enfin en affirmant que l’animal est vulnérable, mais qu’il ne sera vaincu que si Dieu y consent.
Les prières sont vaines : les attaques se poursuivent. Les détails sont relatés dans les gazettes et parviennent jusqu’au roi dont le Premier ministre – Choiseul – est le cousin de l’Évêque de Mende. Grâce à Étienne-François de Choiseul, Louis XV apprend que le roi d’Angleterre se moque de lui car il est incapable de « tuer une bête qui désole l’une de ses contrées ». Le roi décide d’envoyer le meilleur chasseur du royaume : le normand Martin Denneval.
Martin Denneval et son fils se rendent en Gévaudan en février 1765. Ils excluent immédiatement le capitaine Duhamel et ses dragons des chasses. Le 14 mars 1765, les Denneval sont témoin du combat entre Jeanne Jouve et la bête. Il est aux environs de midi. Jeanne Jouve est devant sa maison avec trois de ses enfants. Puis, soudain, la bête apparaît et saisit sa fille de 9 ans qui tient dans ses bras un petit garçon de 14 mois. La mère se jette sur l’animal et parvient à ce qu’elle lâche la fillette. La bête tente de s’attaquer au garçon mais Jeanne le protège. L’animal s’en prend alors au deuxième garçon, âgée de 6 ans. La mère se jette sur lui. Elle se fait pousser, griffer, mordre,… La bête parvient à s’enfuir avec sa proie. Un peu plus loin, elle tombe nez à nez avec les deux plus grands enfants de la famille qui s’apprêtent à mener un troupeau dans les pâtures. Ils parviennent à sauver leur frère et mettent en fuite la bête. Malheureusement, le garçon de 6 ans succombera quelques jours plus tard.
Les Denneval utilisent comme appât les cadavres, ils empoisonnent le pays avec de la noix vomique, pratiquent l’embuscade,… en vain. Le roi, impatient, promet une récompense à celui qui parviendra à tuer la bête. Il opte pour envoyer François Antoine, son maître de chasse et garde du corps, meilleur arquebusier et ami personnel de Louis XV.
François Antoine arrive à Gévaudan le 20 juin 1765. Ne s’entendant pas avec les Denneval, ces derniers sont congédiés par le roi et s’en vont le 18 juillet.
François Antoine fait venir des chiens. Il dépense sans compter afin de parvenir à ses fins.
Le dimanche 11 août 1765, la « Pucelle du Gévaudan », Marie-Jeanne Valet, environ 20 ans, servante du curé de Paulhac, se rend avec sa sœur à une ferme voisine. Elles traversent une passerelle et atteignent une sorte de petite île. Là, apparaissent devant elles une bête ressemblant à un « très gros chien de berger » qui se jette sur Marie-Jeanne. Vaillante, hardie, la jeune femme parvient à lui enfoncer sa lance – que tout le monde prenait avec soi en ces temps dangereux – dans le poitrail. L’animal pousse un cri, se laisse tomber dans la rivière puis prend la fuite à travers les bois. Antoine est prévenu de cette histoire. Il se rend sur les lieux pour enquête. Il voit la lance tâchée de sang, constate des traces semblables à celles de la bête, il interroge Marie-Jeanne et sa sœur, puis rédige un procès-verbal – dans lequel il nomme Marie-Jeanne « Pucelle du Gévaudan » - qu’il envoie au ministre. Le coup porté à l’animal ne suffit pas à la terrasser.
En septembre, on lui annonce la présence d’une bête dans la vallée de l’Allier, près du bois des dames de l'abbaye des Chazes, là où la bête ne s’était jamais rendue. Il organise tout de suite une battue au terme de laquelle un gros loup est abattu. Des témoins affirment qu’il s’agit bien de la malebête. Le 27 septembre, François Antoine rentre à Versailles et le cadavre de l’animal est exposé dans les jardins de Louis XV. Elle devient une attraction. La bête, plus grande que Louis XV qui mesure 1m63/64, impressionne. On s’étonne, par contre, de ses canines qui sont fort petites alors qu’on disait qu’elles étaient énormes.

On ne parle plus de la bête jusque le 2 décembre 1765. Deux garçons gardiens de vache sont attaqués sur le versant sud du Mont Mouchet. On commence à penser qu’il s’agit d’un complot contre le roi.
Fin des années 1766, on compte 80 victimes. Puisque le roi considère l’affaire comme terminée, les habitants se retrouvent seuls dans leur malheur.
Début 1767, la bête se déchaîne. Elle va jusqu’à tuer trois personnes par jour. Quinze enfants se rajoutent à la liste des victimes. Les habitants ne savent plus quoi faire.
19 juin, le Marquis d’Apcher décide qu’il est temps d’en finir avec cette histoire. On l’informe que la bête a été vue dans les paroisses de Nozeyrolles et de Desge où elle a tué Jeanne Bastide âgée de 19 ans. Le Marquis y mène une battue avec des volontaires, dont l’excellent chasseur Jean Chastel. La légende raconte que Jean Chastel aurait fondu ses balles dans des médailles de la Vierge Marie puis les aurait faites bénir. C’était, à l’époque, le seul moyen d’en venir à bout d’un loup-garou. Jean Chastel se rend à la « Sogne d’Auvers » où il se met à lire les litanies de la Vierge. Ensuite, lorsqu’il aperçoit la bête, il ferme son bouquin, vise et tire. L’animal de grande taille, d’environs 50 kilo, tombe mort. Les attaques cessent définitivement. Jean Chastel s’en va à Versailles et revient sans prime ni gloire. Comme la bête dégage une forte odeur désagréable, Louis XV la fait enterrer on ne sait où, effaçant ainsi toute preuve.
La bête de Gévaudan : une hyène ?
En 1819, les visiteurs du Jardin des plantes reçoivent une plaquette avec la description des animaux de la ménagerie et des animaux empaillés du Cabinet du Roi. Dans la cage numéro 5, on retrouve la hyène dont la description est la suivante :
« 5. La Hyenne barrée d'Orient.- ... Ce féroce et indomptable animal est rangé dans la classe du loup cervier; il habite l'Egypte, il parcourt les tombeaux pour en arracher les cadavres; le jour, il attaque les hommes, les femmes et les enfans, et les dévore. Il porte une crinière sur son dos, barrée comme le tigre royal; celle-ci est de la même espèce que celle que l'on voit au cabinet d'Histoire Naturelle, et qui a dévoré, dans le Gévaudan, une grande quantité de personnes. »
Cette description ressemble étrangement à celle faite de la bête de Gévaudan… Mais qu’en est-il ?
Dès sa mort, la bête est autopsiée par le notaire Marin qui note ses mensurations et qui examine jusqu’à les blessures. Il retrouve, dans le ventre de la bête, un fémur correspondant à un enfant de bas âge – ce qui est étonnant puisque les loups ont pour habitude de broyer les os et de ne pas manger les gros morceaux – et constate que l’animal possède 42 dents, comme les canidés et non comme les hyènes. La bête serait-elle alors un croisement entre un loup et un chien ? Et si sa férocité était due au fait qu’il s’agisse d’un hybride dressé ?
Collaboration humaine ?
Couper la tête de certaines victimes, des vêtements repliés à côté des corps, agissement qui ressemble quand même fortement à des actes humains,… La décapitation n’est pas un comportement animal et, de toute manière, le loup n’a pas la force dans la mâchoire nécessaire pour. Et pourquoi traverser tout un troupeau de moutons, de vaches, pour s’attaquer uniquement au berger ? Et pourquoi ne pas manger les victimes ? Et si, alors, un homme se cachait derrière la bête ? Aurait-elle pu être domptée par quelqu’un ? Et pourquoi ? Comment cela se faisait-il que les lames des lances ne faisaient que ricocher sur la peau de l’animal ? Ne lui avait-on pas mis une protection ? On mettait bien une carapace aux chiens de guerre… Cela suggère une intervention humaine. À l’époque, la première balle que l’on tirait blessait l’animal qui s’enfuyait. Ensuite, les chasseurs traquaient la bête au sang. Mais dans cette histoire, ils ne la retrouvaient pas. Cela est fort surprenant. Et si quelqu’un cachait la bête, la protégeait et la soignait ? Les battues étaient organisée huit jours à l’avance. Il fallait bien une personne pour savoir quand et où elles avaient lieues et dans ce cas, il ne sortait pas la bête…
Dans une lettre destinée à l'intendant d'Auvergne en juillet 1766, on peut lire : « On le cherchait dans les bois, et il fallait le trouver dans les maisons. Pour mieux m'expliquer, je crois que ce sont des sorciers qui fourmillent dans le monde ».
Complot ?
Dans les années 1930, les soupçons se tournent vers Jean Chastel que l’on surnomme « de la masca » (« fils de la sorcière »). La battue à laquelle il a participé ne comptait que douze hommes. Et voilà que la bête, qui ne s’était jamais laissé tuer, vient s’asseoir non loin de lui. Y avait-il une complicité entre eux deux ? Et si Jean Chastel agissait pour le compte d’un noble ? Le 16 août 1765, deux gardes-chasses – Pélissier et Lachenay – croisent Jean Chastel et ses deux fils alors qu’ils sont en train de chasser la bête dans le village de Saugues. Ils demandent à Jean Chastel s’ils n’y a pas de tourbières, ce à quoi le chasseur répond que non. Les cavaliers font donc avancer leurs chevaux qui s’embourbent. Pélissier, mécontent, empoigne un des fils de Chastel et le menace de le jeter en prison. Le père et l’aîné pointent tout de suite une arme sur lui. Lachenay parvient à désarmer Jean Chastel. Les deux gardes établissent un rapport sur cet incident et font emprisonner les Chastel. Ils n’y sont restés que quelques jours. Et si c’était un noble – que fréquentait Jean Chastel – qui les avait aidés à sortir ? Peut-être Jean François de Morangiès, écarté de Versailles ? Il était la honte de l’aristocratie de Gévaudan, un sadique et un désespoir pour son père. Quelle aurait été la motivation de ce trio ? La vengeance à cause des « Grands Jours d’Auvergne » (du 28 septembre 1665 au 30 janvier 1666, le roi Louis XIV a créé un tribunal en Auvergne pour réprimer sévèrement (peines de morts diverses, envoie aux galères) les agissement abusifs des nobles envers les paysans) ? Mais aucune source ne peut confirmer cela. Aucune source n’incrimine quelqu’un ; personne n’a jamais vu la bête en compagnie de quelqu’un.
Il est possible que la bête ait été indépendante et que des personnes malintentionnées aient profité des attaques pour commettre des agressions et des crimes sauvages. Peut-être même s’agissait-il d’une meute de loups ? Ou des chiens errants ? Qui n’aurait jamais mangé les appâts empoisonnés, ni tomber dans les traquenards ? Aurait-il, alors, pu s’agir d’un homme déguisé en animal ?
Que pensez ?
Sans doute cela restera toujours un mystère.
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Sources:
Secret d’Histoire
Wikipédia
http://betedugevaudan.perso.sfr.fr/histoire.htm
http://www.dinosoria.com/bete_gevaudan.htm
http://www.labetedugevaudan.eu/french/2014-02-26-23-47-36.html
http://www.labetedugevaudan.com/pages/bete/hyene_01.html