Longtemps considéré comme un tyran à la robe rouge comme le sang qu’il a fait couler, le Cardinal Duc de Richelieu et duc de Fronsac a fait couler beaucoup d’encre, notamment celui d’Alexandre Dumas qui a contribué à ternir sa légende en le décrivant dans ses « trois mousquetaires » comme un homme diabolique. Mais quelle est la vérité ? Qui est cet homme qui souffre souvent de migraine, hypocondriaque, à la santé fragile, mais à la volonté de fer, intransigeant et à l’allure qui impose ?
" Les grands embrasements naissent de petites étincelles. "
Cardinal de Richelieu
Armand Jean du Plessis de Richelieu est né le 9 septembre 1585. Il est le quatrième enfant des Du Plessis (ils ont auront six en tout), famille noble française pauvre. Son père, François IV, est Grand Prévôt (sorte de Ministre de la police pour l’ensemble de la France) sous le règne de Henri III et celui de Henri IV. Sa mère, Suzanne de la Porte, est la fille d'un grand avocat au parlement de Paris.
Quand François IV meurt à quarante-deux ans, la situation économique de la famille est désastreuse. Ils sont endettés. C’est Henri IV qui, en mémoire des services rendus par François IV, va aider les du Plessis. Âgé de neuf ans, Armand (marquis de Chillou) est envoyé au prestigieux collège de Navarre. Comme il est le cadet des garçons, il est destiné à devenir militaire. C’est pourquoi il entre ensuite à l’académie équestre de Monsieur de Pluvinel où il apprend l’équitation, l’escrime, la voltige, la danse, les mathématiques, la géométrie, le dessin, la littérature et l’art de la guerre. En apprenant l’équitation selon Monsieur Pluvinel (dompter un cheval avec douceur), il apprend en même temps à gouverner le peuple sans utiliser la force.
Le frère d’Armand, destiné à être évêque de Luçon, préfère devenir moine. Il renonce ainsi à l’évêché de Luçon qui est l’unique source de revenus de la famille. Pour ne pas perdre l’évêché, Armand décide de rentrer dans les ordres. Ce n’est pas une vocation pour lui mais un devoir qu’il accomplira avec conscience. Après quatre ans d’études théologiques et après avoir été nommé évêque par le roi Henri IV, il se rend à Romes afin d’être ordonné évêque par le Pape. Seulement, il n’a que vingt-et-un ans ; il est trop jeune. Il présente alors un faux certificat de naissance qui le vieillit, qui lui donne les vingt-six ans nécessaires, puis avoue son méfait au pape (qui dira : «S'il vit longtemps, il sera un grand fourbe ») et obtient une dispense. Un an plus tard, il s’installe enfin dans son évêché de Luçon en hiver 1608. Ce qu’il trouve le déçoit : suite aux guerres, tout est dévasté, boueux et ne rapporte pas tant que ça. Dans ses lettres, il qualifie son évêché de « crotté ». Il entreprend de le restaurer.
" Il faut se contenter de peu pour parvenir à davantage "
Cardinal de Richelieu
L’Évêque ambitionne de devenir un homme politique. Il va y parvenir grâce à son ami et confident François Leclerc du Tremblay, surnommé « Père Joseph », un moine capucin. Proche de la Reine Marie de Médicis, devenue régente, il introduit auprès d’elle Richelieu qui commence dès lors son ascension politique.
Souvent humilié par Concino Coccini, le deuxième favori de sa mère, qui est arrogant, hautin et sans aucun respect pour le monarque, le Roi Louis XIII, à seize ans, le fait assassiner à coups de pistolet par le baron de Vitry. Désormais, Louis XIII est véritablement Roi. Il chasse sa mère mais aussi l’Évêque de Luçon.

Portrait du Cardinal de Richelieu 1640 par Philippe de Champaigne
Après deux ans à fréquenter la Cour, Richelieu doit quitter Paris. Il s’exile avec la Reine au château de Blois. Marie de Médicis y donne beaucoup de fêtes, ce qui finit par donner l’impression à l’Évêque de ne pas être à sa place. C’est pourquoi, sans le dire à personne, il s’en va en juin dans son prieuré de Coussay où il a acheté le petit château. Il y reste deux ans durant lesquels il perd tout espoir et va jusqu’à envisager sa mort et fait son testament.
Comment faire pour réconcilier Louis XIII avec Marie de Médicis et ainsi éviter la guerre ? Le Père Joseph intervient auprès du roi et lui certifie que seul l’Évêque de Luçon est capable de trouver une solution. Il faut un an à Richelieu pour parvenir à convaincre la Reine de reconnaître l’autorité du Roi afin de pouvoir rentrer à Paris. C’est le 13 août 1620, au château de Brissac, qu’a lieu la signature de réconciliation entre la Reine et son fils. Il y a ensuite trois jours de festivités. Après deux ans, en 1622, le Roi accepte, en récompense pour le rôle qu’il a joué, de nommer l’Évêque de Luçon « Cardinal de Richelieu ».
" Il faut écouter beaucoup et parler peu pour bien agir au gouvernement d’un Etat "
Cardinal de Richelieu
Le désormais Cardinal de Richelieu s’installe au Petit Luxembourg, à Paris, qui lui est offert par Marie de Médicis. À l’époque, le domaine se trouve en-dehors des remparts de la ville. La Reine-Mère, quant à elle, vit juste en face, au Palais du Luxembourg qu’elle a fait construire pour s’éloigner du Louvre. C’est Richelieu qui a surveillé les travaux.
La journée des dupes
Cela fait six ans que la Reine-Mère a fait de Richelieu le Premier Ministre mais elle n’accepte plus sa politique – surtout sa politique étrangère – et l’influence qu’il a sur le Roi. En septembre, alors qu’elle manque de mourir, elle demande à son fils de chasser le Cardinal… mais celui-ci ne fait rien.
Dimanche 10 novembre 1630, après le Conseil dans son Palais du Luxembourg, la Reine-Mère informe le Cardinal qu’elle lui retire les charges de surintendant de sa maison et de chef de son Conseil. Elle ne veut plus ni le voir ni l’entendre. Elle met également dehors tous les proches du Cardinal. Celui-ci se retire et écrit tout de suite une lettre à Marie de Médicis par laquelle il tente de la calmer et de regagner ses bonnes grâces. La Reine ne lui répond pas.
Le 11 novembre, dans sa chambre, Marie de Médicis s’entretient avec son fils au sujet de Richelieu. Elle tente de convaincre le souverain de le chasser. Sachant que l’homme en question essayera de venir se défendre, elle fait verrouiller tous les passages, ordonne aux gardes de ne pas le laisser passer et elle écarte les domestiques pour qu’ils n’aient pas besoin de s’incliner devant lui. Mais Richelieu a plus d’un tour dans son sac : il connaît parfaitement les lieux et, ainsi, les passages dérobés. Il parvient alors jusqu’à la chambre de la Reine, ce qui la met davantage en colère. « Je suis sûr que vous parliez de moi ! » dit-il. Voilà qu’elle se met à l’insulter tant tôt en italien, tant tôt en français. Le Cardinal tombe à genoux devant elle, les larmes aux yeux. Après quoi elle met Louis XII devant le mur « c’est lui ou moi ». Le Roi demande au Cardinal de se retirer afin de le laisser réfléchir. Richelieu en est convaincu : c’en est fini pour lui.
Le Soir, Louis XIII convoque le Cardinal dans son petit pavillon de chasse à Versailles. Là, après deux heures de conversation, il annonce sa décision… Il renouvelle sa confiance en Richelieu et donne l’ordre à sa mère de quitter Paris pour Compiègne. Elle part définitivement hors France ; le Roi ne la reverra plus mais elle continuera cependant à comploter contre lui. Le Cardinal devient « Duc » et « Pair du Royaume ». c’est une victoire entière pour lui. Son règne commence réellement à partir de ce moment.

Portrait du Cardinal de Richelieu par Philippe de Champaigne
La légende noire
Richelieu est mince et pas très grand. C’est pourquoi il porte des chaussures à talons afin de se grandir un peu. Cependant, il en impose grâce à sa prestance. Ce n’est pas tout : il est un excellent orateur et possède un don de diplomate. Il brille dans tous ses sermons. Féru de travail, persévérant, il ne dort pas beaucoup. Il se lève à deux heures du matin pour travailler et se recouche à six heures. Il travaille même avec ses maux de tête fréquents. Surnommé plus tard « l’Eminence grise » (contrairement à Mazarin qui était « l’Eminence pourpre »), c’est à 39 ans qu’il devient le Premier Ministre de France. Bien que Louis XIII est chétif, bègue et possède une mauvaise santé, le Cardinal de Richelieu veut en faire un grand roi glorieux. Il devient le fondateur de l’État moderne en France.
" Perdre bientôt la mémoire d'un bienfait est le vice des Français "
Cardinal de Richelieu
Les aristocrates, qui se sentent mieux nés que lui, détestent Richelieu et n’acceptent pas son ascension. Cette haine va s’étendre au peuple étouffé par les impôts. Les Français veulent la mort du Cardinal.
Richelieu réprime sévèrement les révoltes paysannes ainsi que les duels. Il lutte contre les Habsbourg, les Protestants et la noblesse. Il n’hésite pas à se montrer ferme et à punir les Grands. Il fait détruire beaucoup de châteaux forts qui n’ont plus raison d’être et donne davantage de pouvoir aux Intendants (administrateurs royaux dans les provinces), annihilant ainsi les quelques restes de la féodalité encore existants. Il rétablit ainsi l’autorité de Roi ; la monarchie devient progressivement « absolue ».
Loin d’être admiré, celui-ci vit sans cesse dans la peur d’un attentat et déjoue régulièrement des intrigues. Louis XIII impose au Cardinal une garde de soixante mousquetaires. Cette garde le suit partout où il va, nuit et jour. Présent dans l’anti-chambre et devant la porte de la chambre, ils ont pour ordre de ne laisser entrer personne. La garde va finir par compter aux environs de quatre cents hommes nobles prêts à donner leur vie pour Richelieu.
Gaston d’Orléans, frère cadet de Louis XIII, est l’un des plus grands ennemis de Richelieu. Il passe sa vie à conspirer contre le Roi et le Cardinal. Il se sent exclu du pouvoir à cause, dit-il, de ce dernier. Toutes ses conspirations échoueront.
La première tentative de meurtre :
En 1626, Gaston charge le Comte de Chalais d’assassiner Richelieu au château de Fleury-en-Bière. Au dernier moment, le Comte décide, grâce au conseil de son oncle, de tout avouer à Richelieu qui le condamne à être décapité. C’est seulement après vingt neuf coups que la tête tombe…
À six reprises, Louis XIII pardonne à son frère qui donne le nom des comploteurs que l’on s’empresse de décapiter. Cependant, le Roi le chasse à Blois.
On continue de comploter contre le Cardinal qui vit dans une angoisse permanente. C’est pourquoi il crée le premier système de contre-espionnage. Il met des hommes et des femmes partout, dont Cinq-Mars qui, au bout de quelque temps, souhaite devenir Premier Ministre à la place de Richelieu… Il se tourne pour ce faire vers Marie de Médicis qui finance tous les complots ainsi que Gaston d’Orléans. Mais les espions découvrent tout et le rapportent au Cardinal qui convainc le Roi de ne pas faire de quartier. Cinq-Mars est condamné à mort. Si Richelieu est cruel, c’est par obligation : c’est lui ou les autres. Et il se soucie peu d’être aimé ou pas. Pour éliminer ses adversaires, il n’hésite pas à faire couler le sang. Il est intransigeant et sa volonté est ferme.
" On ne saurait faire un plus grand crime qu'en se rendant indulgent envers ceux qui violent les lois "
Cardinal de Richelieu
Le bâtisseur
Grâce aux revenus des abbayes qu’il dirige, des largesses du souverain et de ses fonctions au Conseil, Son Eminence le Cardinal de Richelieu est fort riche, plus que le roi. Il devient le mécène et un grand collectionneur d’art. Il fait construire en 1628 le Palais Cardinal (aujourd’hui appelé le Palais-Royal) à Paris, face au Louvre. Richelieu y a habité et y est mort. En 1642, ce château est légué au roi. Le Cardinal fait également édifier une ville à son nom ainsi qu’un immense château (aujourd’hui disparut, ne reste plus que quelques pavillons, le parc et la grille d’entrée) dont le logis principal – entouré de douve – est en U et les façades garnies de statues antiques qui a servi d’inspiration à Versailles. Pour cela, Richelieu fait appel à l’architecte Jacques Lemercier. Au-dessus du pavillon d’entrée du château on retrouvait une statue représentant Louis XIII. Ce pavillon est étroit afin de ne laisser aucun carrosse entrer. On ne pouvait, alors, accéder à la cour d’honneur qu’à pied ou à cheval. Les décors sont des plus beaux et coûtent une fortune : plafonds à la française, dorures, couleurs, fleurs et arbres exotiques, mythologie, imposantes cheminées,… Tout est fait pour impressionner le visiteur.
Début 19ème siècle, le château est acheté par Boutron, qui commence à le démolir afin de vendre les matériaux… (Richelieu a dû se retourner dans sa tombe, façon de parler…).

La ville (toujours intacte aujourd’hui) est construite en forme de rectangle. Les rues se coupent en angles droits. La grande rue est bordée par vingt-huit hôtels particuliers identiques. La ville entière est alimentée en eau grâce à un dispositif rénovateur (privilège que Paris ne connaîtra que deux siècles plus tard). Il y a des avantages à vivre dans cette cité, bien que c’est loin de la capitale, comme par exempte l’exempt d’impôt.
(Malheureusement, Richelieu décédera avant de voir l’achèvement de son projet.)
Gaston d’Orléans habite à seulement sept kilomètres de la ville de Richelieu, au château de Champigny. Le Cardinal exige du frère du roi qu’il lui vende le domaine et, dès que cela est fait, il fait détruire l’édifice. Il conserve tout de même les communs et la Sainte-Chapelle (« Sainte » car elle conserve un morceau de la couronne d’épines du Christ) est sauvée grâce à l’intervention du Pape Urbain VIII.
" La mort n'a qu'un instant, et la vie en a mille "
Cardinal de Richelieu
Les passions du Cardinal
C’est un amoureux des arts, du théâtre, des femmes (on lui prêtes, à cause de pamphlets de l’époque, des liaisons, notamment avec Marion Delorme et sa nièce la duchesse d’Aiguillon avec laquelle il a vécu dix-sept ans) mais aussi des lettres et la langue française. Il fait imprimer en 1631 et distribuer un journal périodique – la Gazette – à Paris. Il se met également à l’écriture : il rédige quatre pièces de théâtre, comme « Mirame » écrit en 1639. Afin qu’elle soit jouée, il fait construire dans le Palais-Cardinal un théâtre. Beaucoup de ses contemporains le qualifièrent de rimailleur. S’il était un grand homme d’État, il était un piètre poète.
En 1634-1635, il fonde l’Académie française dont la mission est de donner des règles à la langue française, de la rendre pure, à la portée de tout le monde et de la perfectionner. Le premier dictionnaire voit le jour dans ce but.
Quand il a terminé sa longue journée de travail, il aime aller se promener dans son jardin.
Une autre passion de Richelieu : les chats. Il en a quatorze, des persans et angoras : Soumise (sa préférée), Lucifer (un chat très noir), Gazette (l’indiscret), Félimare, Ludovic-le-Cruel (l’impitoyable avec les rats), Ludoviska, Mimi-Piaillon, Mounard-Le-Fougueux (le capricieux et batailleur), Perruque, Rubis-sur-l'ongle, Serpolet, Pyrame, Thisbe et Racan. On raconte qu’il en a toujours un sur ses genoux, qu’il dort et joue avec eux. Il aménage une chatterie – attenante à sa chambre – au Palais-Cardinal et donne à ses animaux deux domestiques qui les nourrit de blanc de poulet et veillent à ce qu’ils ne manquent de rien. S’ils sont malades, c’est le médecin personnel du Cardinal qui les soigne. Richelieu les réhabilite pour leur rôle de dératiseur. À sa mort, ils lèguent à ses chers compagnons une maison, du personnel et de l’argent pour prendre soin d’eux. Cependant, cela ne sera pas exécuté, pour cause : la Garde suisse abat ses protégés…

Le Cardinal de Richelieu par Charles Édouard Delort
" Quand une fois j'ai pris ma résolution, je vais droit au but et je renverse tout de ma robe rouge "
Cardinal de Richelieu
Rétablir l’ordre
Citée Protestante, la Rochelle vit de privilège et est presque indépendante depuis l’édit de tolérance de Nantes, signé en 1598 par Henri IV. Richelieu, qui veut restaurer l’unité religieuse dans le pays, voit cela d’un mauvais œil. Il craint que la ville, qui semble invulnérable, ne devienne un État dans l’État. Le Cardinal décide d’affamer les habitants afin qu’ils ouvrent leur porte. Le siège commence le 10 septembre 1627. Richelieu fait creuser un fossé profond et large autour de la Rochelle. Des militaires, armés de canons, montent le guet. Comme l’Angleterre a fait armer une flotte afin d’en venir en aide aux Protestants, il faut bloquer l’entrée du port. Pour cela, le Cardinal fait construire une digue avec des bateaux coulés avec des pierres qu’il finance en partie lui-même. La « digue richelieu » attire beaucoup de visiteurs qui viennent de partout.
À l’intérieur des remparts, les Protestants meurent de faim mais refusent dans un premier temps de se rendre. Ils mangent des chevaux, des limaces, l’herbe qui pousse, les cuirs des ceintures,… Ils finissent par capituler le 28 octobre 1628.
Alors qu’il combat les Protestants dans son pays, Richelieu – qui veut rétablir l’ordre et sécuriser les frontières – s’allie avec des Protestants d’autres pays (Pologne, Suède, quelques provinces allemandes,…) contre les Espagnols et les Autrichiens (les Habsbourg) dont les territoires encerclent la France.
Pour financer les guerres, le Cardinal augmente considérablement les impôts qui reposent surtout sur le petit peuple. Il affame les petites gens pour nourrir la guerre mais aussi la construction de navires de guerre et de commerce. En effet, Richelieu – que le roi indifférent laisse faire – crée la marine française permanente, car jusqu’ici la France se contentait d’armer de temps à autre des navires civils réquisitionnés. Elle va décliner après sa mort mais renaître sous Louis XIV grâce à Colbert.

L’Acadie
L’Acadie, ou « Nouvelle-France » au Canada fait miroiter les esprits.
Richelieu crée la compagnie des Cent-Associés (ou compagnie de la Nouvelle-France ou encore compagnie du Canada). Cent personnes (nobles, commerçants) investissent dans le projet de colonisation de l’Acadie. Le Cardinal leur fait promettre d’amener quatre mille colons pendant quinze ans. Si au terme, en 1643, ils ont tenu promesse, le monopole de la fourrure et du commerce leur sera à perpétuité. Quant aux colons, ils deviendraient propriétaires de leur terre au bout de dix ans.
La traversée en bateau (trois mois) est très difficile. Intempéries, manque d’hygiène, de nourriture et d’eau, scorbut,… Seuls les plus forts parviennent jusqu’à l’Acardie. Une fois là-bas, ce n’est pas plus facile. Il n’y a pas beaucoup de nourriture, pas beaucoup de matériaux, il fait froid, non habitués au climat, les gens tombent malades,… Et il y a les Anglais. Ayant établis la « Nouvelle-Angleterre », ils massacrent sans vergogne les français. Cela durera pendant un siècle et demi. De là naîtra l’identité du Québec.
La fin du Cardinal
À la fin de sa vie, Richelieu n’a pas facile. Sa santé se dégrade. Il a de plus en plus de mal à se tenir assis. Afin d’éviter de trop souffrir, il se couche sur le côté et s’entoure de coussins. On le transporte ainsi en litière et on doit agrandir certains passages, certaines portes pour son passage. Il souffre de rhumatismes, de tuberculose intestinale (avec fistules), de goutte, d’hémorroïdes, de fièvres chroniques, des maux de tête, d’abcès se répandant un peu partout et qui seraient la conséquence de la blennorragie (ou gonorrhée), il crache fréquemment du sang,... Tout cela augmente son hypocondrie. En même temps, on peut le comprendre…
Louis XII n’est pas plus en bonne santé que lui : il souffre de maladie de crohn (maladie inflammatoire chronique du système digestif). Quand aucun des deux n’est capable de se tenir debout, on rapproche les lits. Comme il mange coucher, Richelieu se met de la nourriture partout, c’est pourquoi son médecin lui coupe la pointe de sa barbe.
Richelieu souffre énormément. Sentant la fin arriver, il prépare sa succession afin que sa politique continue même après lui. Il nomme son successeur : l’italien Jules Mazarin qui ne parlera jamais très bien le français mais qui comprendra toujours tout. Le Cardinal l’a rencontré en 1630 à Lyon et a tout de suite admiré son intelligence. Il se met ensuite à rédiger son « testament politique » structuré en onze chapitres dans un desquels il conseille au roi et aux ministres d’avoir à cœur avant tout l’intérêt public et de se faire aimer car « L’amour est le plus puissant motif qui oblige à obéir ».
Le 4 décembre 1642, il meurt en paix avec lui-même, comme le soulignent plusieurs de ses contemporains un peu surpris par sa grande tranquillité. Ses obsèques sont célébrés le 20 janvier 1643, au matin, à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Il est tellement impopulaire que le peuple, dès l’annonce de sa mort, allume des feux de joie et festoie. Il repose en la Chapelle de la Sorbonne à Paris qu’il a fait construire sept ans avant sa mort, sous un très beau mausolée le représentant à demi allongé, le regard dirigé vers l’autel, la main droite sur le cœur, l’autre dirigée vers le livre ouvert de la Piété, il est soutenu par une femme, une autre pleure à ses pieds. C’est sa nièce qui le fait sculpter en 1694.
Son repos est troublé lors de la Révolution. La Sorbonne est pillée, le tombeau et profané. Au moment où l’on jette son corps à la voirie, quelqu’un subtilise sa tête. Elle est retrouvée plusieurs années plus tard et est restituée à la Chapelle. Avant de faire la cérémonie, on en fait des moulages. Le tombeau change de place et est placée dans le transept. Après 329 ans, en 1895, le Cardinal trouve enfin le repos éternel.
" Si Dieu existe, il a du souci à se faire ; mais s’il n’existe pas, l’heureux homme ! "
Pape Urbain VIII en parlant du cardinal

Cardinal de Richelieu, 1640, par Philippe de Champaigne
Petite anecdote
Dans sa biographie, Carmona rapporte une scène que je vous livre ici :
En sortant d’une pièce, le Roi Louis XIII dit lucidement et ironiquement à son Principal Ministre : « Après vous, votre Eminence, puisqu'il paraîtrait que le vrai maître du royaume, c'est vous ». Richelieu prend un chandelier et passe devant le souverain en répondant : « Oui, sire, pour vous ouvrir la voie ».
Pour conclure
Alexandre Dumas, dans ses romans, contribue à la légende noire de Richelieu qu’on assimile trop souvent à un machiavel. Il fait du Principal Ministre un terrible homme sans cœur, sanguinaire. Gaston d’Orléans s’est également évertué à le dépeindre ainsi afin d’accentuer la haine qu’on lui portait. Mais en réalité, le Cardinal n’était pas ainsi. Il est vrai qu’il avait une poigne de fer et qu’il se montrait froid, déterminé, mais il était avant tout un homme politique, sans doute le plus puissant, ennemi des duels mortels qui étaient à l’époque un fléau et le premier à avoir commencer à mettre au pas la Haute Noblesse. Sa politique – qui a été continuée par Mazarin après sa mort – participa à rétablir l’ordre en France ainsi qu’à mettre fin au système féodal pour aller vers un vrai royaume réuni autour d’une seule personne, le roi et vers la monarchie absolue. Il est ainsi le fondateur de l’État Moderne. Ses idées étaient simples mais puissantes. Il avait compris ce qu’est le pouvoir. À plusieurs reprises il a craint que le souverain se détache de lui mais Louis XIII lui a accordé sa confiance jusqu’à sa mort. On sait également qu’il a menacé plusieurs fois de s’en aller à cause de sa santé fragile, une sorte de chantage pour faire comprendre au souverain combien il lui était utile, indispensable. Il ne se laissait jamais abattre, même lorsque sa vie était menacée, même face à la colère du peuple. Il est également un bon théologien. S’il n’est pas entré dans les ordres par vocation, il croyait tout de même sincèrement et profondément en Dieu. En sa qualité d’homme religieux, de prélat, il a écrit le « traité de la perfection du chrétien » dans lequel il donne des conseils spirituels utiles pour être un bon chrétien.
Il a fait couler le sang, il a condamné à mort des aristocrates suite à des conspirations, complot contre le souverain, des projets d’assassinats, des duels qui étaient interdits, des négociations secrètes avec des étrangers, des crimes de lèse-majesté,… Il ne faut pas oublier qu’en ce temps-là, la peine de mort était courante et dans les mœurs. Ce qui a attisé la colère des nobles (les critiques venaient surtout d’eux), c’est qu’il a osé s’en prendre à eux, chose impensable en ce temps-là et, comme déjà dit un peu plus haut, il combattait les quelques pratiques et attitudes féodales encore présents qui refusaient de reconnaître l’autorité du Roi (avant, les Seigneurs étaient maîtres sur leurs terres en dépit du souverain, ce qui créait des États dans l’État). Pour information, le nombre de condamnés à mort durant le ministériat du Cardinal (18 ans) est de vingt-six, loin de la légende noire…
Homme d’Église et homme politique, intelligent, rusé, intransigeant, persévérant, pragmatique, on peut dire que le Cardinal de Richelieu a contribué à faire du 17ème siècle le « Grand Siècle ».
" Toute chose paraît rouge à celui dont les yeux sont rouges "
Arnaud Teyssier
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Références :
Arnaud Teyssier, Richelieu, l’aigle et la colombe, Éditions Perrin, août 2014
Secrets d’Histoire - cardinal de Richelieu, le ciel peut attendre
Wikipédia
http://cardrichelieu.free.fr/
http://www.animogen.com/